Citroën Rosalie
Citroën 8, 10, 15 dites « Rosalie »
La dernière « caisse carrée » à propulsion d’André Citroën et une petite populaire au palmarès conséquent !
C’est en octobre 1932, à l’occasion du Salon Automobile de Paris que les Citroën 8, 10 et 15, plus couramment surnommées « Rosalie » furent présentées au grand public. Elles remplacèrent les vieillissants modèles C4 et C6. A l’époque il était commun d’appeler les voitures par leurs puissances fiscales. En effet même si actuellement cette petite française est connue sous le doux nom de Rosalie celui-ci ne viendra qu’après coup. Il ne fut d’ailleurs que très rarement utilisé par l’entreprise.
La gamme proposa, dès 1933 un large choix de carrosseries possibles afin d’augmenter les ventes. Elle fut ainsi proposée en :berline, torpédo 5 ou 7 places, familiale 7 places, coach (2 ou 4 places, décapotable ou pas), cabriolet, utilitaires ainsi qu’en un « faux »cabriolet.
Hélas en 1934, cumulant un fort impact de la crise économique de 1929 (Grande dépression), un niveau de vente respectable mais insuffisant, des marges insuffisantes ainsi qu’un fort endettement lié à la création en moins de six mois de la toute nouvelle usine du Quai de Javel, André Citroën doit vendre son entreprise. La famille Michelin détentrice d’une grosse créance et considérant Citroën comme un client important décida de soutenir l’entreprise et de monter au capital.
Elle essaya dès cette même année de redynamiser les ventes en retouchant les lignes de la Rosalie par le biais d’un kit carrosserie designé par Bertoni et appelé NH (Nouvel Habillement). La calandre cerclée de chrome disparaît alors et un capot profilé, plus incliné et rappelant un peu celui de la future Traction fait son apparition. NH c’est aussi des ailes à bavolet, un pare-chocs courbés et des roues avant indépendantes… La Rosalie B était née !
Pour la petite histoire la petite Rosalie fut la dernière Citroën à transmission aux roues arrière…avant de céder la scène à la future Traction. D’ailleurs quelques mois avant la sortie de cette dernière la Rosalie bénéficia de barres de torsion sur le train avant, innovation qui sera reprise sur la Traction.
Une voiture synonyme d’innovation…
Les Rosalie marquent l’histoire de la marque mais également de l’automobile en Europe grâce à plusieurs innovations : une carrosserie mono-pièce totalement en acier (réputée indéformable) ainsi que l’introduction du fameux « moteur flottant » grâce à l’utilisation de silentbloc (déjà présents sur les dernières C6). André Citroën avait acquis les droits d’utilisation de ce système dit « silentbloc » auprès de Chrysler suite à a un voyage aux États-Unis. C’est l’ingénieur Lee qui travailla à la création de cet ingénieux système caoutchouc. Pour cela il se basa sur les travaux de recherches sur les vibrations effectués par les français Pierre Lemaire et Paul d’Aubarède. Pour symboliser ce confort inégalable pour l’époque, cette sensation de « flottaison » sur la route les calandres arborèrent un nouveau sigle : un cygne majestueux voguant sur l’eau, le tout placé entre deux chevrons.
Autre innovation, cette fois « moins visible », la Rosalie fut la première Citroën à utiliser des engrenages dont les pignons ne sont plus perpendiculaires à l’axe de rotation mais obliques. Ceci permet d’aider au changement de rapport, de le faciliter, en diminuant le bruit de la boite, en réduisant drastiquement les craquements. Cette innovation sera mise en avant dans le catalogue de la marque en vantant les mérites de sa « boite de vitesse silencieuse ». Pour l’anecdote lors de l’achat de la voiture le client pouvait opter pour une boite dotée d’une vitesse dite « roue libre » ou aussi communément appelée « 3èmeespagnole ». Cette dernière était particulièrement efficace en descente… Toutefois des qualités réelles de « pilotage » étaient requises.
Autre spécificité technique la Rosalie est construite sur un châssis a structure tubulaire. On y retrouve deux longerons et traverses caissonnés en forme de U, le tout soudé à une semelle d’acier. Ce système rend ce châssis quasiment indéformable.
Au niveau du freinage ce dernier est fourni par des freins à tambour sur les quatre roues.
Côté motorisation
Niveau motorisation le client avait le choix entre un 4 cylindres (8 ou 10 cv) et un 6 cylindres de 15cv.
La 8 CV était équipée d’un moteur quatre cylindres de 1452 cm3 développant 32 ch à 3.200 tr/mn. Elle pouvait atteindre une vitesse maximale de 90 km/h. Elle fut produit à 38.835 exemplaires.
La 10 CV proposait un moteur quatre cylindres de 1767 cm3, développant 36 ch à 3.200 tr/mnoffrant ainsi une vitesse maximale de 100 km/h. Elle sera le model le plus commercialisé de la gamme. 49.249 unités furent produites.
La 15 CV était équipée d’un moteur 6 cylindres de 2650 cm3, développant 56 ch à 3.200 tr/mn. Elle pouvait atteindre une vitesse maximale de 115 km/h. C’est la version la moins produite, seulement 7.228 exemplaire et donc la plus difficile a trouver aujourd’hui…
Monthléry, les huiles Yacco et la « Petite Rosalie », une histoire d’amour !
Les courses d’endurance sont déjà chose à la mode à cette époque. C’est en 1920 que le concept est lancé par Yacco, filiale du célèbre constructeur Hispano Suiza qui voulait démontrer la qualité de leurs huiles/produits. Les automobiles Voisin sont des « cobayes » de courses idéales étant dotées de moteurs qui sont de gros consommateurs d’huile.
C’est en 1931 que la société Yacco contacte André Citroën, as de la communication automobile de l’époque pour lui proposer d’utiliser une de ses voitures pour ces fameuses courses d’endurances. Réticent au début car A. Citroën misait tout sur ses célèbres croisières intercontinentales (Croisières Blanches, Noires, Jaunes, Sahara…) il finit par accepter cette même année. Il leur confia alors un châssis et un moteur de série directement prélevés sur les chaînes de fabrication.
L’idée pour le constructeur était de mettre à l’épreuve sa voiture afin de prouver la réputation « d’increvabilité » qu’il mettait en avant dans ses brochures commerciales. L’idée d’André Citroën était également de battre de multiples records afin de faire, ce que nous appelons aujourd’hui « le buzz ».
Sous la direction de César Marchand une C6 F (Rosalie 1) est lancé sur l’anneau de Monthléry. Elle atteindra l’objectif de 25.000 km, sans pause, avec une moyenne de 108km/h.
En 1933, fier de cette prouesse et des retombées publicitaires André Citroën relance la machine avec une Rosalie 2, puis 3 avant de passer cette fois sur une 8CV (ndlr : Rosalie 4). Toujours dotée d’une motorisation de série mais avec design retravaillé (plus aérodynamique), allégé (en aluminium) et épuré pour la course elle fut lancée sur le circuit. Sept pilotes se relaient tous les 500 kilomètres. Ont eu la chance de piloter : Louis Le Roy de Présalé, Alphonse Vaillant, Robert Bodecot, Raphaël Fortin, Marcel Combettes, Edmond Bertaux et Lucien Marchand (frère de César Marchand, l’organisateur). Après 134 jours de courses (départ lancé le 15 Mars), non-stop, dans des conditions météos régulièrement difficiles, la petite Citroën a parcouru 300.000 kilomètres à la vitesse moyenne de 93,47 km/h. Enfin « non-stop », presque, une pause de 6heures (comptée dans le temps) fut accordée car il neigeait beaucoup trop. Les seuls arrêts autorisés furent pour faire le plein d’essence, d’huile, de changement de pneumatique et de pilote.
Pour la petite histoire l’objectif de base n’était pas de battre les 300.000km mais de battre le précédent record. Les kilomètres défilant et rien de semblant pouvoir arrêter la petite Citroën les organisateurs décidèrent de stopper à 300.000km.
Grâce à cette belle performance plusieurs dizaines de records du monde furent pulvérisés (78 records de durée, 85 de distance, catégorie…etc). Cette petite voiture sportive fut appelée “Petite Rosalie” par l’équipe organisatrice / les pilotes. Ce nom fut réutilisé par la presse ce qui fit que toute la gamme passa dans l’histoire de l’automobile sous ce surnom de ‘Rosalie’.
En 1938, les nouveaux dirigeants de Citroën décident que la Rosalie a fait son temps. Elle céda définitivement la place à la célèbre Traction déjà introduit en 1934. La Rosalie fut le dernier modèle Citroën à propulsion.
Pour l’anecdote
Côté anecdotes la Rosalie en est riche ! Saviez-vous par exemple qu’elle fut l’une des toutes premières voitures diesel (dites « huile lourde ») qui fut homologuée fin 1934 et mise sur le marché en 1936…soit quelques mois avant la Mercedes 260D. Cette Rosalie 10Di conduite commerciale était équipée d’un 1750 cc. Elle fut la première Citroën Diesel mise sur le marché mais pas le premier Diesel de la marque. En effet précédemment il y eut des essais effectués sur un torpédo Type B12 ainsi que sur une C6.