La Renault 4cv
La Renault 4cv
Une petite française qui accompagna la reconstruction du pays
Parler de la Renault 4CV c’est évoquer l’un des symboles de la France d’après-guerre, du début de l’industrialisation à la française de l’automobile mais également des prémices des Trente Glorieuses. L’histoire de la 4CV commence dans le plus grand secret en Octobre 1940 sous l’occupation allemande grâce à la volonté de deux ingénieurs, Fernand Picard (directeur du bureau d’études) et Charles-Edmond Serre (dessinateur, administrateur et directeur de recherche). Contre les consignes allemandes (ordre de dissolution du bureau d’étude) mais également en complet désaccord avec Louis Renault pour qui automobile voulait dire luxe et non « petite populaire » ils commencèrent à travailler sur le projet de la 4CV alors connue sous le nom de code « 106E ». Ce dernier avait d’ailleurs eu beaucoup de difficultés a approuver le projet Juvaquatre dans les années 30’ et aurait préféré que les deux ingénieurs travaillent sur un projet de berline 11CV.
Pour la petite histoire l’opposition de F. Picardet C-E. Serreà la collaboration avec les allemands ne s’arrêta pas là. En effet peu de temps après le lancement du projet ils s’engagèrent également dans la Résistance.
Après deux ans de travail clandestin un premier prototype fut construit en cachette (1943) puis un second (Mars 1944). Un troisième prototype, mais post-guerre sera également nécessaire afin de finaliser la mise au point de l’automobile. Les deux premiers prototypes ne possédaient que deux portes contrairement au troisième qui fut équipé de quatre portes en porte-à-faux. Le premier prototype possédait également la particularité d’être fabriqué en aluminium, surement en raison de la préemption des allemands sur l’ensemble de l’acier français. Il est possible que le succès de la Coccinelle (1939) de Volkswagen, une petite populaire à moteur arrière influença le projet… surtout quand on voit les courbes du premier prototype dont l’arrière ressemble de manière assez flagrante à la Coccinelle.
Les deux portes arrière du troisième prototype furent rajoutées en novembre 1945 à la demande de Pierre Lefaucheux, alors à la tête de Renault depuis sa nationalisation. De grande corpulence et haute stature (1m87) il éprouva des difficultés à rentrer à l’arrière du prototype numéro 2 il demanda donc, pour plus d’aisance de passer la 4CV en quatre portes.
Pour l’anecdote le deuxième prototype effectua en janvier 1943 des essais de nuit, dans le bois de Meudon alors proche de l’atelier clandestin. Hélas des lettres de dénonciations décrivant une petite voiture verte inconnue arrivèrent très rapidement sur le bureau du Prince Von Urach, ancien ingénieur Daimler-Benz nommé à la tête de Renault par les allemands. Il ne tarda pas alors à convoquer Fernand Picard afin qu’il s’explique. Ce dernier démentit catégoriquement afin de ne pas mettre à mal le projet. Souhaitant ne pas risquer de perdre tout le travail déjà effectué il décida de suspendre les essais pendant plus de deux semaines. Il fit également le choix de repeindre la voiture en noire pour plus de discrétion. La stratégie fut porteuse puisque Von Urach ne tarda pas a clore l’affaire.
En octobre 1944 la firme au losange fut nationalisée et Louis Renault arrêtait en raison de sa collaboration avec les allemands. Initialement le « Plan Pons » mit en place par le gouvernement Français pour préparer la réindustrialisation de la France cantonnait Renault à la fabrication d’utilitaires. Toutefois grâce à la ténacité de Pierre Lefaucheux qui, convaincu du potentiel de la voiture harcela durant de nombreux mois le ministère de la Production Industrielle il obtint finalement le droit de sortir la 4CV.
C’est en 1946 que la Renault 4CV fut présentée au grand public lors du 33èmeSalon de l’Automobile de Paris (Grand Palais). Cette édition, en dehors de la présentation de cette voiture marqua l’histoire car elle fut la première d’après-guerre… huit ans après l’arrêt du salon en raison de la guerre. Toutefois ce n’est qu’un an plus tard, au cours de l’été 1947 que la production de cette petite citadine démarra en raison de l’état de ruine de l’appareil productif ainsi que des restrictions en matières premières (Plan Pons). A ses débuts une première série de 300 exemplaires fut produite afin de fournir aux concessionnaires une voiture « modèle » pour les aider à la promouvoir.
Dès sa sortie elle connut un franc succès pour plusieurs raisons telles que l’espace intérieur (malgré sa petite taille), la position arrière de son moteur, sa simplicité technique rendant l’entretient facile, son côté économe ou encore son prix plus que raisonnable pour l’époque. Elle marqua l’histoire, au même titre que la Citroën 2CV comme celle qui permit aux familles de s’équiper d’une voiture et de partir par la suite en vacances. En effet malgré ses 360cm de longueur et sa largeur de 143cm la 4CV permettait de loger quatre adultes et quelques bagages sur la galerie, le coffre étant relativement succinct.
Elle fut la première voiture française à atteindre une production d’un million d’exemplaires. En 1951 la 4CV se lança à la conquête de l’Amérique où elle fut commercialisée à 170.000 exemplaires. Elle fut même, à partir de 1953, fabriquée au Japon sous licence Hino.
Au final entre 1947 et 1961 la petite française fut construite à 1.105.546 exemplaires (hors licence Hino). Joli succès !
Une ligne qui n’évoluera que très peu au cours des années
Son design ne connaitra que peu d’évolution au cours de sa carrière. De fines évolutions interviendront telles que l’apparition d’un toit bombé en 1949 (améliore l’habitabilité de l’espace intérieur), le remplacement de la calandre à 6 moustaches par une à 3 moustaches en 1953, le rajout d’un logo sur la jupe avant toujours en 1953, le remplacement du logo Renault de l’époque par un losange en 1954 ou encore le remplacement des superbes jantes étoilées par des jantes pleines en 1957. Cette même année des enjoliveurs sont ajoutés sur la version « sport ». La calandre de la 4CV type Affaire fut encore plus dépouillée puisqu’en 1953 elle passa de 6 à une seule grosse moustache centrale.
Plusieurs versions sont proposées, de la commerciale à la décapotable finition grand luxe
En 1949 deux versions seront proposées, la version dite classique pour la modique somme de 280.000F et la version Luxe beaucoup mieux équipée pour 310.000F. Une 4CV décapotable fit également son apparition (sur catalogue) lors du Salon de L’Automobile de Pariscette même année toutefois elle ne sera proposée à l’achat qu’en 1950. Elle sera rejointe cette même année par une version Grand Luxe au toit découvrable, en toile. Une option toit ouvrant sera également proposée sur le reste de la gamme.
En 1952 les versions Luxe (390.500F) et Grand Luxe (444.500F) seront remplacées par la version sport. Cette même année la production de la 4CV commerciale (utilitaire) sera arrêtée.
Un an plus tard une version dite Service, à l’équipement très basique, dénudée sera proposée. L’intérieur spartiate était peint, dépouillé avec simplement des tresses métalliques recouvertes de tissu faisaient office de sièges… Elle ne possédait qu’un feu arrière, pas de flèche de direction, pas de moustache sur la calandre et l’ouverture des portes se faisait grâce à un câble… Son succès n’étant vraiment pas au rendez-vous sa production s’arrêta rapidement.
En 1956 la production de la décapotable (moins de 10.000 exemplaires) sera hélas arrêtée malgré la beauté de sa ligne. Son non succès s’explique surement par son prix de 535.000F qui la rend certes plus accessible que certaines de ses concurrents mais qui ne la place plus du tout dans le segment des petites populaires accessibles. Elle ne fut proposée qu’en finition Grand Luxe.
Les caractéristiques techniques…
Elle fut équipée d’un petit moteur 4cylindres de 760 cm3, développant 17 chevaux, placé en porte-à-faux à l’arrière. Ce placement qui était une première pour Renault permettait de gagner de la place, d’avoir un plancher plat mais aussi de réduire les coûts. Il était doté de 4 cylindres, de soupapes en tête, d’un arbre à cames latéral ainsi qu’une boite de vitesse à 3 rapports dont une première non synchronisée. À partir de 1952 il sera retravaillé pour passer à 748 cm3, 21 chevaux.
Au niveau du système de freinage, rien de révolutionnaire pour l’époque, des freins hydrauliques à tambours, autant à l’arrière qu’à l’avant. Tout cela pour un poids total de 610kg !
Une autre des petites particularités de cette voiture est que le radiateur fut placé entre la cloison arrière et le moteur. Atypique mais ingénieux pour gagner de la place !
La 4cv et le sport
Comme beaucoup de voiture dites « grand public » à l’époque la 4CV fut lancée sur différentes compétitions. Sous ses faux airs de « petite familiale » elle remporta, avec des moteurs retravaillés de nombreuses courses (carburateur double corps, 35ch, bielles renforcées pistons & soupapes modifiés, embrayage renforcé…). Parmi ses victoires on compte le Rallye de Monte Carlo (1949), le Tour de France Automobile, la coupe des Alpes en 1954, Liège-Rome-Liège en 1954 ou encore les Mille Miles (1952 et 1953). Elle remporta même une première place, précisons dans sa catégorie, lors des 24 Heures du Mans 1950 et 1951.
En 1948 elle remporta les cinq premières places de la course de Côte du Mont-Ventoux. Pour la petite histoire c’est suite à ce succès que Renault décida la création d’un département dédiée à la compétition. C’est d’ailleurs sur la 4CV qu’un certain Jean Rédélé débuta en course. Les voitures lancées en compétitions portent le doux nom de code de R1063 et furent produite à 80 exemplaires. A noter que des « kits sport » étaient disponibles en concession pour le grand public mais sans le montage et à un prix prohibitif !
Pour la petite histoire la première Alpine A106 fut créée grâce à la 1063. N’arrivant pas, malgré ses modifications à dépasser les 145 km/h Jean Rédélé commença alors a travailler sur un petit coupé aérodynamique… Il en sortira une voiture surnommée « Rédélé Spécial » qui connaitra le succès sur les rallyes. De là naitra en 1955 la fameuse Alpine Mille Miles…
Côte anecdotes
L’engouement populaire de la 4CV lui valut de nombreux surnoms tels que la « 4 pattes » ou encore « la motte de beurre ». Ce dernier s’explique par la couleur jaune sable des premiers exemplaires sorties, une couleur atypique pour une voiture grand public à l’époque… Pénurie et restriction obligeant la Régie Nationale des Usines Renault due utiliser les stocks de peinture de l’Afrika Korps de Rommel qui furent récupérés par la France au titre des dommages de guerre.
Toujours côté anecdote la production de la Renault 4CV permis à l’entreprise d’améliorer ses techniques de fabrication. Grâce à l’ingénieur Pierre Bézier elle fut la première voiture a être construite avec des machines-transfert permettant ainsi de réaliser plusieurs opérations sur un même poste et une même pièce. Cette petite révolution industrielle permit à Renault de connaitre une, non négligeable, accélération du rythme de production… diminuant ainsi également les coûts de production !
A bientôt pour un prochain article !